"Ces philosophes-là ont su nuire à la bêtise", Nietzsche, Gai savoir, § 328 - Blog philo d'Emmanuel Ferraguti.

Nietzsche, L'Antéchrist (extrait).



9. C’est à cet instinct théologique que je fais la guerre : j’ai trouvé ses traces partout ! Celui qui a du sang de théologien dans les veines, se trouve de prime abord dans une fausse position à l’égard de toutes choses, dans une position qui manque de franchise. Le pathos qui s’en émane s’appelle la foi : fermer les yeux une fois pour toutes devant soi-même pour ne pas souffrir de l’aspect d’une fausseté incurable. On se fait en soi-même de cette défectueuse optique une morale, une vertu, une sainteté, on relie la bonne conscience à une vision fausse, on exige qu’aucune autre sorte d’optique n’ait plus de valeur, après avoir faite sacro-sainte la sienne propre, avec les noms de « Dieu », « salut », « éternité ». Partout encore j’ai mis à jour l’instinct théologique : c’est la forme la plus répandue de la fausseté sur la terre, la forme vraiment souterraine de la fausseté. Ce qu’un théologien éprouve comme vrai, doit être faux : c’est presque un critérium de la vérité. C’est son plus inférieur instinct de conservation qui lui interdit de mettre la réalité en honneur, ou de lui donner la parole en un point quelconque. Les évaluations sont renversées partout où atteint l’influence théologique et les concepts « vrai » et « faux » sont nécessairement renversés : « vrai » c’est dans ce cas ce qui est le plus pernicieux pour la vie, ce qui l’élève, la surhausse, l’affirme, la justifie et la fait triompher s’appelle « faux » .. S’il arrive que les théologiens, par la « conscience » des princes (ou des peuples), étendent les mains vers la puissance, ne doutons pas de ce qui se passe chaque fois au fond : la volonté de la fin, la volonté nihiliste veut obtenir le pouvoir..."