N'oublions pas de faire remarquer ici que les sectateurs de cette doctrine, qui ont voulu faire briller leur esprit dans l'explication des causes finales des choses, ont inventé, pour établir leur système, un nouveau genre d'argumentation, lequel consiste à réduire son contradicteur, non pas à l'absurde, mais à l'ignorance ; et cela fait bien voir qu'il ne leur restait plus aucun moyen de se défendre.
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Probablement le texte le plus facile. Spinoza fait remarquer que les sectateurs – ceux qui forment la secte des finalistes – ont inventé un nouveau genre d’argumentation pour clouer le bec à leurs contradicteurs (je vous rappelle les cinq type de raisonnements évoqués en classe : déduction, induction, analogie, absurde et hypothético-déductif). Ici Spinoza en invente un nouveau : la réduction non pas à l’absurde si chère aux mathématiciens, mais la réduction à l’ignorance. Rien de très compliqué dans ce premier moment, c’est le moins qu’on puisse dire.
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Deuxième moment : Par exemple, supposez qu'une pierre tombe du toit d'une maison sur la tête d'un homme et lui donne la mort, ils diront que cette pierre est tombée tout exprès pour tuer cet homme. Comment, en effet, si Dieu ne l'avait fait tomber à cette fin, tant de circonstances y auraient-elles concouru (et il est vrai de dire que ces circonstances sont souvent en très grand nombre) ? Vous répondrez peut-être que l'événement en question tient à ces deux causes ; que le vent a soufflé et qu'un homme a passé par là. Mais ils vous presseront aussitôt de questions : Pourquoi le vent a-t-il soufflé à ce moment ? pourquoi un homme a-t-il passé par là, précisément à ce même moment ? Répondrez-vous encore que le vent a soufflé parce que, la veille, la mer avait commencé de s'agiter, quoique le temps fût encore calme, et que l'homme a passé par là parce qu'il se rendait à l'invitation d'un ami, ils vous presseront encore d'autres questions : Mais pourquoi la mer était-elle agitée ? Pourquoi cet homme a-t-il été invité à cette même époque ? Et ainsi ils ne cesseront de vous demander la cause de la cause, jusqu'à ce que vous recouriez à la volonté de Dieu, c'est-à-dire à l'asile de l'ignorance".
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Passage fort célèbre – alors que ce n’est pas le plus intéressant de l’Appendice (mais bon !). Prenons un exemple de réduction à l’ignorance. Dialogue imaginaire entre un tenant du finalisme (un sectateur) et un causaliste (réformateur ?).On observe le jeu entre cause (comment) et pourquoi (fin). Vous (réformateur) vous chercher le "comment ?", la cause ; le sectateur du finalisme vous demandera "pourquoi ?" – le pourquoi est moins à entendre ici comme "pour quelle raison ?" que "selon quelle volonté ?".A chaque fois que vous demanderez : Quelle est la cause ? Comment cela s'est-il passé ? Quelles furent les causes ? Les sectateurs vous demanderont : "pourquoi, c'est à dire, quelle était la volonté derrière cet événement ? Non pas tant : que s'est-il passé ? Mais plutôt : quelle volonté a été accomplie ? Que voulait-il ? Quel était son désir ? Remontant a parte ante jusqu'à la cause première - qui est tout aussi bien la cause finale - le sectateur vous dira :" Nous y voilà : LA CAUSE ULTIME DE TOUTE LA SCIENCE, DE TOUT SAVOIR, c'est LA VOLONTE DE DIEU , or nous savons, pauvres pêcheurs, que celle-ci est impénétrable. Donc pour montrer que vous avez tort de soutenir la thèse du causalisme, je vous force à admettre que vous ignorez tout : votre ignorance est totale car nul ne peut pénétrer dans les arcanes de la volonté divine.Inutile (donc utile) de dire qu'ici il faut dégager les enjeux - il faut ce qu'à l'écrit on appellerait une partie réflexive - il faut enrichir le texte - c'est à ça que servent les enjeux.Comment récuse-t-on les arguments des sectateurs des causes finales quand ils prétendent nous réduire à l'ignorance ?
